ADN, gène, génome
Le génome est l’ensemble de nos gènes. Il y a environ 25000 gènes différents dans notre génome, ce qui permet de synthétiser toutes les protéines nécessaires au fonctionnement des cellules et de l’organisme. Le génome est porté par l’ADN de nos chromosomes, eux-même situés dans le noyau. L’ADN est constitué d’un enchainement de briques élémentaires ou nucléotides dont il existe 4 sortes, A, T, G et C. C’est l’ordre de cet enchainement qui détermine l’information génétique.
A la façon d’une fermeture éclair, chaque chaine de nucléotides fait face à une autre. Les deux chaines sont complémentaires : un A est toujours en face d’un T, un C en face d’un G. S. Cette structure dite en double hélice est une « assurance qualité » pour la cellule.
Un gène contient deux régions :
- La région « codante » : la séquence des nucléotides, qui détermine l’enchaînement des acides aminés dans la protéine et donc la structure et la fonction de celle-ci;
- Les régions régulatrices : elles déterminent dans quelle cellule, à quel moment, en réponse à quel stimulus, et en quelle quantité la protéine doit être synthétisée.
Pour synthétiser une protéine, la partie codante de l’ADN du gène est d’abord recopié en ARN messager (ARNm). Celui-ci, qui ne comporte qu’un seul brin, il quitte le noyau de la cellule. Des ribosomes et des ARN de transfert s’assemblent sur l’ARN messager, lisent la séquence de ses nucléotides et utilisent cette information pour assembler dans le bon ordre des acides aminés et fabriquer la protéine correspondante.
L’ARN interférence
Les ARN interférents (ARNi) sont des ARN qui interagissent avec les ARNm pour empêcher la synthèse de la protéine correspondante. Il y a deux classes d’ARN interférents :
- les micros-ARN, ou miRNA, codés naturellement par notre ADN pour contrôler l’expression d’autres gènes de notre génome
- les Small Interfering RNA ou siRNA qui sont introduits artificiellement dans les cellules
Les deux classes d’ARN interférents partagent plusieurs caractéristiques :
- ils sont de petite taille (une vingtaine de nucléotides)
- leur séquence est complémentaire de celle d’une partie d’un ARN messager cellulaire avec lequel ils s’hybrident.
- Dans la cellule, ils sont pris en charge par un complexe de plusieurs protéines nommé RISC, acronyme de RNAi Induced Silencing Complex. L’ensemble RISC/ARN interférent scanne les différentes molécules d’ARN messagers présentes dans la cellule. Plusieurs situations peuvent alors se produire :
- S’il n’y a pas d’homologie entre l’ARNi et l’ARN messager scanné, celui-ci est normalement traduit en protéine.
- Si l’ARNi est un miRNA et qu’il y a une homologie partielle entre lui et l’ARNm la traduction est bloquée mais l’ARN messager n’est pas dégradé
- Si l’ARNi est un siRNA dont la vingtaine de nucléotides est parfaitement homologue avec une région de l’ARNm, celui-ci est coupé par RISC. L’ARN messager coupé est très rapidement dégradé et la protéine correspondante ne peut plus être synthétisée.
- Le complexe RISC+ARN interférent n’est pas détruit par la coupure et il peut à nouveau scanner des ARNm et recommencer une coupure.
Si on connait la séquence des nucléotides de l’ARN messager qui code pour une protéine qui nous intéresse, on peut synthétiser un siRNA capable de s’hybrider avec cette séquence et l’introduire dans la cellule. On peut ainsi empêcher la synthèse de la protéine normalement traduite à partir de l’ARN messager.
La très grande puissance de l’ARN interférence tient à trois de ses propriétés :
- C’est un mécanisme très efficace car l’ARN interférent « sert » plusieurs fois
- Il utilise une machinerie naturelle essentielle de la cellule qui est fonctionnelle dans toutes les cellules de tous les mammifères.
- C’est un processus extrêmement spécifique : maintenant que l’on connaît l’ordre de tous les nucléotides de notre génome, il est assez aisé de choisir une séquence de siRNA qui soit spécifique d’un gène que l’on prend pour cible. Ceci ne dispense bien entendu pas de faire de nombreux contrôles pour vérifier que d’autres gènes ne sont pas perturbés par ce siRNA, ce qui peut se produire dans certains cas.
Un outil thérapeutique innovant
On connait de nombreux cas dans lesquels une protéine est responsable d’une maladie. Par exemple, les virus infectent les cellules, y injectent leur génome et font produire par les cellules infectées les protéines dont ils ont besoin pour se répliquer. Si la séquence du génome du virus est connue, on peut utiliser l’interférence ARN pour empêcher la réplication du virus. Dans d’autres pathologies et notamment dans les cancers, certaines protéines sont exprimées alors qu’elles ne devraient pas l’être. Là encore, l’ARN interférence permet d’inhiber la synthèse de ces protéines indésirables.
Une des grandes forces de l’ARN interférence, c’est sa spécificité. Du fait de la complémentarité des bases (A avec T, G avec C), un ARN interférent fait la différence entre deux ARN messagers de séquences très proches, par exemple entre un ARN messager normal et un ARN messager muté produit par une cellule cancéreuse. Cette spécificité ouvre une voie pour développer des traitements n’atteignant que la cellule malade sans perturber les autres cellules de l’organisme et donc dépourvus d’effets secondaires.
Le séquençage systématique du génome humain nous a permis de connaître l’enchainement complet des nucléotides sur l’ADN de nos gènes. Il ne nous dit pas quelle est la fonction de ces gènes. En inhibant l’expression génique, l’ARN interférence permet d’accéder à cette information et de déterminer quelles sont les protéines dont la présence est indispensable dans un processus cellulaire donné (division, migration, apoptose…).